2. La renaissance de l'Olympisme

Si la naissance des Jeux grecs est mythique et obscure, celle des Jeux olympiques modernes est historiquement datée : elle est l'oeuvre d'un humaniste des XIXe et XXe siècles : Pierre de Coubertin. Les Jeux olympiques ne sont pas nés pour autant du jour au lendemain. Le développement des sports au XIXe a joué un rôle essentiel. Et l'idée même d'une renaissance de l'Olympisme a mûri longuement dans l'esprit du baron avant d'être concrétisée.

2.1   Pierre de Coubertin, un pédagogue dans l'âme

Pierre de Coubertin, connu comme le créateur des Jeux olympiques modernes, fut essentiellement un réformateur de l'éducation.

2.1.1   La découverte d'une vocation

Pierre Fredy, baron de Coubertin (1863-1937) naquit à Paris le 1er janvier 1963, dans une famille aristocratique. Il fit ses études dans la capitale : il démissionna de Saint-Cyr, envisageant d'abord une carrière dans les armes. Puis, il suivit les cours de l'École des Sciences politiques. Intéressé par la politique, il prit progressivement conscience du rôle fondamental de l'éducation pour la République naissante. Or, Pierre de Coubertin pensait avec Taine que la Grande-Bretagne, à l'apogée victorienne, proposait un système d'éducation bien meilleur que celui français.

Dès vingt ans et pendant plusieurs années, il effectua, outre-Manche et dans les universités américaines, des voyages indispensables pour mener à bien ses observations. Toute sa vie, Coubertin ne cessa de proclamer sa foi dans un système d'éducation élitiste qui forgeait les caractères des chefs dont la démocratie libérale avait besoin. Il constata que le collège anglo-saxon, loin de se fermer au monde, recréait les règles de vie en société, que l'adolescent construisait lui-même son propre avenir, que le sport enfin pouvait être un moyen de socialisation et de moralisation, et donc d'éducation de la jeunesse.

2.1.2   L'oeuvre pédagogique

Coubertin consacra alors son énergie à lutter contre les maux dont souffrait l'enseignement secondaire français : dressage, conformisme, mensonge, manque d'hygiène et d'éducation corporelle. Dans le système d'éducation qu'il élabore dès 1883, le sport moderne devint une des composantes majeures de l'éducation. Dès 1887, il répondit à la campagne des «hygiénistes» sur le «surmenage scolaire» proposant comme remède l'organisation des loisirs. En 1906, il fonda l'«Association pour la réforme de l'enseignement» et publia, par la suite, en trois fascicules, le programme d'une éducation intégrale, sous le titre «L'éducation des adolescents au XXe siècle». Élu président de l'«Union pédagogique universelle» en 1925, il mit au point la «Charte de la réforme pédagogique», pour un retour à une vie plus vaste et plus épurée.

Depuis 1891, respectant l'homme dans chaque homme, il réclama la création d'un enseignement universitaire ouvrier et oeuvra dans ce sens en fondant notamment en 1906 la «Société des sports populaires» et en faisant paraître en 1922 une étude intitulée : «Entre deux batailles : de l'Olympisme à l'université ouvrière».

2.1.3   L'oeuvre olympique

Les interventions de Pierre de Coubertin écrites ou orales en faveur de l'épanouissement corporel et du développement par le sport, jalonnent toute son existence.

Le 25 novembre 1892, il donna une conférence en Sorbonne sur «les exercices physiques dans le monde moderne», suivie de l'annonce du projet de rétablissement des Jeux olympiques. On applaudit à cette idée mais personne n'avait vraiment compris ce que voulait Pierre de Coubertin. Coubertin voyagea aux États-Unis et en Angleterre essayant de rallier des dirigeants sportifs à son idée.

En 1894 Adolphe de Palliseaux, trésorier du Racing Club de France, proposa de convoquer à Paris un congrès international consacré aux problèmes liés à l'amateurisme. Coubertin reprit ce projet à son compte et ajouta un septième article, le rétablissement des Jeux olympiques aux six concernant l'amateurisme.

Le 23 juin 1894, le rétablissement des Jeux olympiques fut prononcé solenellement à la Sorbonne par le Congrès international universitaire et sportif convoqué à cet effet.

«Les Jeux olympiques seront des concours internationaux, véritables championnats du monde, dans lesquels tous les sports et exercices physiques pratiqués de nos jours seront représentés. Ils auront lieu à Athènes en 1896 et à Paris en 1900.» (Norbert Muller, dans Pierre de Coubertin, Textes choisis, Weidmann, 1986, t. II, p. 593.)

Un Comité international olympique permanent et se recrutant lui-même fut constitué avec la mission d'assurer la célébration régulière des Olympiades. Le premier CIO fut composé de 15 membres. Coubertin souhaitant que le président soit choisi parmi les représentants du pays où se dérouleraient les prochains Jeux : c'est le Grec Dimitrios Bikelas, un philologue habitant Paris, qui fut élu.

Á ses yeux, l'Olympisme était indissociable de la culture et c'est pourquoi il préconisa l'éducation de l'ntelligence en même temps que celle du corps. Mais l'Olympisme était aussi une philosophie, une morale personnelle. Par l'Olympisme, un humanisme se construisait au-dessus de toutes les démarches philosophiques, scientifique et artistique, pour les englober dans un même effort : car elle donnait à chacun de se retrouver, en saisissant les évènements dans leur signification universelle. L'Olympisme permettait par là de dépasser les différences et les conflits.

Ainsi, Pierre de Coubertin organisa, dès 1897, un Congrès de Pédagogie sportive au Havre, et ses discours concernant les Jeux olympiques, posèrent avec des accents pathétiques le problème moral de l'homme et des nations dans le monde contemporain. l'occasion de l'inauguration du monument commémoratif concernant le rétablissement des Jeux à Olympie, il précisa :

«Dans le monde moderne, plein de possibilités puissantes et que menacent en même temps de périlleuses déchéances, l'Olympisme peut constituer une école de noblesse et de pureté morales autant que d'endurance et d'énergies physiques, à la condition que vous éleviez sans cesse votre conception de l'honneur et du désintéressement à la hauteur de votre élan musculaire». Pierre de coubertin refusait un monde sclérosé qui ne correspondait pas à l'image de ses aspirations : à l'équilibre harmonieux de chaque être humain, devaient correspondre la paix, la justice social et la justice internationale.
Jusqu'à sa mort subite en 1937 à Genève Pierre de Coubertin accorda sa foi à cet idéal. (la devise olympique)

La devise olympique

2.2   Résurgence d'un idéal : les cinq principes fondamentaux de l'Olympisme

La charte toujours en vigueur aujourd'hui présente les principes fondamentaux de l'Olympisme. Certains de ces principes font référence à l'idéal grec : on retrouve notamment l'idéal d'harmonie entre le corps et l'esprit, l'importance de l'effort, les vertus éducatives et culturelles du sport. Mais si les Jeux antiques s'ouvraient aux seuls Grecs, la charte des Jeux modernes insiste sur le respect de valeurs universellement partagées et reconnaît le sport comme comme un droit destiné à tout individu, sans aucune discrimination (de sexe, de race, de richesse...).

2.2.1   Humanisme

«L'Olympisme est une philosophie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l'esprit. Alliant le sport à la culture et à l'éducation, l'Olympisme se veut créateur d'un style de vie fondé sur la joie dans l'effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels.» (article 2, charte de l'Olympisme, les principes fondamentaux)

2.2.2   Pacifisme

«Le but de l'Olympisme est de mettre partout le sport au service du développement harmonieux de l'homme, en vue d'encourager l'établissement d'une société pacifique, soucieuse de préserver la vie humaine. Á cet effet, le Mouvement Olympique mène seul ou en coopération avec d'autres organisations et dans la limite de ses moyens, des actions en faveur de la paix.»(article 3, charte de l'Olympisme, les principes fondamentaux)

2.2.3   Éducation

«Le Mouvement Olympique a pour but de contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d'aucune sorte et dans l'esprit olympique qui exige la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, la solidarité et le fair play.»(article 6, charte de l'Olympisme, les principes fondamentaux)

2.2.4   Oecuménisme

«L'activité du Mouvement Olympique, symbolisé par cinq anneaux entrelacés, est universelle et permanente. Elle se déploie sur les cinq continents. Elle atteint son point culminant lors du rassemblement des athlètes du monde au grand festival du sport que sont les Jeux olympiques.»(article 7, charte de l'Olympisme, les principes fondamentaux)

2.2.5   Le sport est un droit

«La pratique du sport est un droit de l'homme. Tout individu doit avoir la possibilité de pratiquer le sport selon ses besoins.»(article 8, charte de l'Olympisme, les principes fondamentaux)

2.3   De l'idéal aux réalisations : les premiers Jeux olympiques modernes

2.3.1   Les premiers Jeux olympiques

Les premiers jeux eurent donc lieu à Athènes du 5 au 15 avril 1896. Ils regroupèrent 286 sportifs représentant treize nations différentes et participant à neuf disciplines. Les Jeux obtinrent un certain succès. Il y eut jusqu'à 100 000 spectateurs au moment du marathon. De ce fait les Grecs tentèrent de faire accepter l'idée que les Jeux devaient toujours se dérouler à Athènes. Coubertin s'opposa fermement à cette proposition et sut convaincre les membres du CIO.

Les performances n'étaient pas très élevées et «déjà les Jeux d'Athènes vérifient que ce ne sont pas les performances... mais les noms des vainqueurs qui font l'histoire olympique»(Norbert Muller, dans Pierre de Coubertin, Textes choisis, Weidmann, 1986, t. II, p. 129.) ; cette remarque montre une certaine similitude avec les Jeux antiques. (Le mythe du marathon)


Le mythe du marathon

Les Jeux suivants qui eurent lieu à Paris n'eurent pas le même succès. Sans doute était-ce dû à la présence à la même période d'autres manifestations culturelles.

Les troisièmes Jeux aux États-Unis, à Saint-Louis rencontrèrent la même difficulté pour assurer leur rayonnement.

2.3.2   Les jeux du XXe siècle


Le spectacle olympique

Cependant peu à peu les Jeux prirent de l'importance. Ils furent interrompus par les guerres à la différence des Jeux antiques. Leur portée et leur influence devinrent considérables à partir de la fin de la seconde guerre mondiale et surtout avec l'apparition de la télévision. (Le spectacle olympique)

De nos jours l'impact médiatique qu'ils provoquent tous les quatre ans leur assure une place d'évènement majeur à l'échelon mondial.

Toutefois, le mouvement olympique traverse des épreuves :

  • Le risque d'une manipulation politique (épisode des Jeux olympiques de Berlin, actes terroristes en 1976).
  • Le gigantisme, en accueillant de plus en plus de sports, de plus en plus d'athlètes et de spectateurs.
  • Les rapports parfois conflictuels avec les fédérations internationales. La FIFA veille notamment à ce que les Jeux olympiques ne se transforment pas en une autre coupe du monde. En revanche, des dirigeants d'autres disciplines sportives tendent à promouvoir une grande compétition internationale susceptible de limiter l'impact des Jeux olympiques.
  • La compétition acharnée entre les villes désireuses d'accueillir les Jeux olympiques et la corruption qu'elle peut entraîner comme ce fut le cas pour les candidatures aux Jeux olympiques de 2000 et de 2002.

Retour au sommaire

Suite