1. Les Romains et l'héritage grec

Dès la fondation légendaire de Rome (-753), les sports et les jeux occupèrent une place de premier plan en Italie. Les concours gymniques et hippiques en faveur en Grèce ont connu également leurs heures de gloire en Étrurie. Ce peuple inaugura aussi les combats de gladiateurs, jouant ainsi dans l'histoire le rôle d'intermédiaire entre le sport, tel qu'il était pratiqué en Grèce, et les jeux romains.

1.1. Á l'origine de «la Ville éternelle» : les jeux

1.1.1. La Rome légendaire, ville des jeux (fondation de Rome -753)

Les premiers habitants du Latium connaissaient et pratiquaient des jeux : les légendes accordent une place prépondérante aux jeux dans la construction de «la ville éternelle».
  • Les Jeux d'Énée

Virgile (70-19 av. J.-C.), dans l'Énéide, a raconté la fondation légendaire de Rome par Énée, le Troyen. Le Chant X de cette épopée est souvent appelé «le livre des Jeux» : la première partie est en effet occupée par le récit de jeux funèbres organisés par Énée en l'honneur de son père Anchise.

Si Virgile a voulu manifestement rivaliser avec le Chant XXIII de l'Iliade d'Homère, on observe toutefois des variantes ; la différence essentielle tient au comportement des héros : Alors que le héros grec, le bouillant Achille veut prendre part aux jeux, on ne peut imaginer le pieux Enée en athlète, présent sur la piste : il est seulement l'organisateur et l'arbitre des compétitions.

Cette différence était déjà emblématique de deux manières différentes de vivre le sport en Grèce et à Rome : alors que dans toute la Grèce c'était un titre de gloire d'être proclamé vainqueur à Olympie et les aristocrates élevaient leurs enfants dans le but de remporter les palmes de la victoire, les patriciens romains iront rarement «s'abaisser» à rivaliser sur l'arène du cirque, en tout cas sous la République.

  • Les Consualia de Romulus

Selon la tradition, l'enlèvement des Sabines eut lieu dans ce qui deviendra le Grand Cirque, lors des Consualia, que l'on considère comme le premier exemple de manifestation sportive de la Rome antique. Romulus prit prétexte de ce festival religieux pour inviter les voisins sabins (et leurs femmes !) au spectacle sportif des compétitions hippiques et athlétiques ; c'est ainsi que furent enlevées 683 Sabines par les compagnons célibataires de Romulus : Rome put ainsi franchir le cap de la première génération et devenir la puissance que nous connaissons. (les femmes au spectacle).


Les femmes au spectacle

On voit, par les légendes fondatrices de Rome, que les activités athlétiques n'étaient nullement dédaignées chez les Romains, et ceci dès l'origine, à condition qu'il s'agisse bien d'un jeu, d'un divertissement et non pas d'un spectacle officiel, d'une compétition.

1.1.2. Les jeux étrusques (-VIIe siècle)

Les dynasties étrusques par la suite organisèrent des compétitions qui sont restées célèbres. Les Étrusques étaient un peuple civilisé, venu d'Orient vers l'an mille avant J.-C..
Tarquin l'Ancien organisa au début du VIIe siècle avant J.-C. de grands jeux dans la Vallée Murcia où s'élève le Grand Cique. Il fit venir des pugilistes et des chevaux de Toscane. Nous retrouvons chez les Étrusques, peuple d'éleveurs de chevaux, la passion des Grecs pour la compétition. En témoigne leur art funéraire, telles les tombes des «Olympiades», découvertes récemment à Tarquinia, qui présentent de belles scènes sportives.
La Rome républicaine ne s'occupa plus d'athlétisme. Mais elle fut profondément marquée par ses origines étrusques : en témoigne le succès permanent des courses de quadrige, héritières des compétitions hippiques d'Étrurie.

1.2. La République romaine : décadence et abollition du sport à la grecque

Les Romains étaient réservés vis-à-vis des pratiques sportives grecques et, quant Rome eut envahi la Grèce (au cours du IIe siècle avant J.-C.), les Jeux olympiques déclinèrent rapidement.

1.2.1 Les raisons d'un rejet

Cette réserve à l'égard des pratiques sportives grecques, qui peut aller jusqu'au rejet, était une des caractéristiques de la mentalité romaine sous la République. Cette critique ne visait pas que le sport grec, elle visait tous les aspects de la vie grecque, comme le théâtre, lui aussi mis à mal. Mais ce violent rejet ne doit pas occulter le fait que la conquête de la Grèce entraîna une hellénisation des moeurs et la plupart des Romains restaient des admirateurs fervents de l'enseignement et de l'idéal grec.

  • L'abandon de la lutte désintéressée. En vain, Plutarque, l'un de ceux qui ont su le mieux, au début du IIe siècle de notre ère, célébrer les Jeux olympiques demandait-il qu'on établit une distinction entre l'athlétisme professionnel proprement dit, comportant sa fin en soi , et la préparation militaire au service de la cité. Les Romains, peuple de conquérants, abandonnèrent en effet la lutte désintéressée pour la discipline et l'entraînement militaire.

  • Le dégoût de la vie grecque. La question de la nudité est un critère essentiel de distinction entre les jeux grecs et les jeux romains. Les Grecs en effet revendiquaient eux-mêmes cette nudité athlétique comme un trait qui les distinguait radicalement des Barbares (: les non-Grecs). Ce n'était pas vrai de la société étrusque car l'iconographie montre des athlètes étrusques lutter complètement nus. Mais la nudité grecque choqua profondément les Romains qui la considérait comme une véritable incitation à la débauche. Plus généralement, la vie grecque engendrait la mollesse. Se comporter comme un grec, avoir des vêtements orientaux, c'était là adopter un comportement efféminé.
Les Romains de la vieille école opposaient à ce mode de vie décadent les vertus romaines (virtus signifie courage en latin) et la tradition militaire.

1.2.2. La doctrine républicaine du sport

Vitruve, ingénieur militaire de formation, résume bien la «doctrine républicaine» du sport dans son Architecture ; dans le chapître V.11, il décrit avec une condescendance dédaigneuse les installations grecques.

Si les Romains pratiquaient et apprécièrent les jeux, c'est pour d'autres motifs :
  • l'entraînement militaire : les pratiques sportives sont d'abord des activités de préparation militaire. Plutarque a conservé le programme sportif du fils de Caton l'Ancien, représentant de l'esprit «vieille romaine» : escrime, javelot, jouer de l'épée, voltiger, piquer le cheval, pugilat, entraînement à la chaleur et au froid et le passage à la nage d'une rivière impétueuse et froide.
  • le plaisir du spectacle et du divertissement. Il faut tenir compte des présentations à caractère idéologique tendant à accentuer l'austérité des premiers siècles de la République (par exemple de la fondation de Rome de Tite-Live). En réalité, les Romains étaient déjà habitués, par les Étrusques, à un certain faste spectaculaire et les jeux (Ludi) à caractère sacré se développérent au cours des siècles, de sorte qu'à la fin de la République, le calendrier comportait 76 jours de Ludi publics et annuels. La vie de société prend une extension d'autant plus grande que la vie active occupe poins de place : ainsi, la conquête achevée, les Romains s'adonnèrent de plus en plus aux loisirs des bains et de la chasse et aux divertissements des spectacles.


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